Flemme
mai 2025
On devine porte close, fenêtre obstruée par volets fermés et la masse lourde d’un rideau.
Immobilité.
Dehors plein jour, on dira, il fait chaud, mais sans réelle certitude.
On dira le silence, malgré la présence étouffée d’une source sonore compacte et uniforme difficilement identifiable, éteinte comme surgissant des lointaines profondeurs et recouvrant à peine un souffle respiration.
Deux surfaces rectangulaires, angles adoucis par la source vive, mais localisées de lumière qu’elles forment. Lumière insuffisante pour irradier la distance de l’une à l’autre, laissant l’obscurité vaincre, sans lutte, l’interstice, effaçant par sa masse épaisse toute idée du décor de la pièce, empêchant ainsi toute tentative de description.
Lumières sans force, sans projection, accompagnée pour la source la plus large, du flux sonore précédemment décrit, emplissant le creux obscure formé par les quatre murs de la pièce, le sol et le plafond.
On distingue à peine les contours du corps, mais suffisamment pour admettre l’idée d’une présence, car il y a présence, c’est certain et s’il n’y a pas de contour, il y a un souffle qui le rend plus tangible.
La présence décrite tient dans sa main l’objet, source de lumière la plus faible, l’autre étant immobile, inatteignable pour le corps sans un étirement certainement trop artificiel pour être envisagé.
L’ombre du va et vient vertical du doigt à même la surface lisse.
Image puis image sans fin, empilement ininterrompu et géométrique, sans logique sinon une sorte d’insignifiance étale. Parfois le motif du rectangle s’agite, le doigt mécaniquement s’immobilise provoquant le ralentissement de l’élan continu puis l’immobilisation totale, le doigt se retire jusqu’à presque ne plus effleurer la vitre de l’objet.
Le chemin épuisant du doigt à l'œil puis de l'œil au doigt, passe par des détours incessants. Hasardeux serait le mot, mais on sait une logique insondable.
Ennui puis ennui, mais ennui insuffisant pour provoquer le moindre changement du cheminement vertical et continu du doigt, du bas vers le haut de l’écran provoquant le flux du doigt à l'œil puis de l'œil au doigt.
Lorsqu’un autre motif attire une attention qui semblait jusqu’alors impossible au corps présent.
L'œil se détourne du bloc luminescent pour scruter plus loin la seconde source de lumière.
Image continue, mais changeante, origine du flux sonore que le corps comme prisonnier en lui-même ne perçoit pas. Sur le rectangle, l’image incrustée de deux corps nus.
Frémissement du corps qui regarde qu’on ne devinait pas possible, légère excitation, qui retombe aussitôt lorsque l’image des corps s’efface pour une nouvelle image moins digne, semble-t-il, d'intérêt. Retour alors vers le premier point de vue, le mouvement initial du doigt reprend, toujours accompagné par la respiration qui elle n’a pas changer de rythme.
le corps pourrait sans doute se mouvoir, imaginer au moins un possible en dehors de la pièce, par delà les ouvertures, il pourrait déplacer les masses d’air vicié, fuir vers la porte, ouvrir la fenêtre, mais trop de lourdeur en lui sans doute, aucune fatigue pourtant, mais une simple et total absence de volonté, un engourdissement atone et profond que rien ne peut perturber.
L’absence de toute curiosité.
Longue attente, provoquant naturellement un ennui latent et sourd aussitôt effacé non par la présence de l’image sur l’écran, mais par son surgissement ou sa soudaine disparition au profit d’une autre image surgissante.
Image puis image, donc. Temps qui passe.
Boucle d’attente sans fin, faible ondulation sonore, lumière discontinue, présence à peine du corps engourdi, va et vient continu du doigt sur la surface lumineuse, sans volonté aucune sinon que rien ne cesse, un grand vide de pensée, flemme sur flemme qui suit son cours.