A tous ceux qui voudraient voir mon travail
mai 2025
J’enfonce sans doute une porte ouverte, mais l’expérience de voir un film en solitaire face à son écran d’ordinateur ou (pire) de smartphone, et celle d’être assis·e dans une salle obscure, en compagnie d’inconnu·e·s, face à une image plus grande que soi n’est pas la même.
Faire le geste de mettre en ligne une vidéo ou celui d’organiser une projection, c’est aussi une question essentielle de rapport au monde, de rapport aux autres, qui se pose.
Les recherches que je mène depuis plus d’un an maintenant sont faites en dehors du cadre légal du droit d’auteur, je ne m’arrête pas aux quelques secondes d’emprunt parfois autorisées (qui force un rythme rapide du montage). Si je dois utiliser l’intégralité d’un plan de 5 minutes, je le vole. Donc sauf à acheter les droits lorsque cela est possible, (mes) films ne peuvent être vus que sous le manteau.
Je souhaite évidemment partager mon travail, mais pas forcément à tout prix. Mettre en ligne sur youtube ou viméo (me) pose des questions d’ordre éthique, politique, écologique qu’il faut prendre à bras le corps.
Mettre en ligne ne signifie-t-il pas mettre en rayon son film dans le grand supermarché des images, le transformer aussitôt en contenu consommable ?
Je lis sur les réseaux de nombreux posts autour des tournages “écologiques”, mais faire manger une équipe avec des repas bio, éclairer en leds basse tension, ou recycler un décor ne répond pas à la seule question qui vaille : réaliser un film est-il soutenable (envisageable) aujourd'hui ?
Supprimer l’étape du tournage, comme je le fais, est une première réponse. Je fais actuellement des films de seconde main.
Je crois encore à la toute puissance des images (et des sons), mais leur multiplication à outrance, leur mode de diffusion et leur récupération immédiate par le monde marchand en affaiblit considérablement la portée.
Comme projeter un film de Guy Debord à la Cinémathèque
Je manque aussi très certainement d’assurance, Il faut une sacrée dose d’égo pour diffuser son travail, pour faire son auto-promotion. Dans le cadre de mes esquisses, je peine jusqu’à me considérer comme co-auteur…
J’aime l’idée du vol de l’emprunt désintéressé.
Je mettrais donc prochainement sur un site quelques extraits, en accès privé en précisant bien les doutes que ce dispositif m’inspire. J’organiserai probablement à l’automne prochain, une exposition/projection, modalité de diffusion qui me correspond mieux, mais plus difficile à mettre en œuvre qu’un simple clic de souris.
Je vous tiendrais au courant.